Les découvertes de la civilisation crétoise, pressenties par Schliemann et réalisées par Évans de 1894 à 1920, ont révélé l'originalité de l'habillement à partir du IIe millénaire. Les statuettes, peintures de vases, intailles, etc., ont procuré des éléments assez certains, mais il n'en est pas de même des peintures mises au jour, dont la plupart ont été restaurées et dont certaines reconstitutions doivent être très. prudemment consultées et traitées en tant qu'interprétations.
Malgré les nombreuses controverses qu'elle a soulevées, cette documentation particulièrement riche et variée permet dans son ensemble de parvenir à une connaissance précise des éléments principaux du costume crétois.
La recherche de l'élégance de la ligne, l'une des caractéristiques de la Crète, surtout à partir du IIe millénaire, reflète certainement le parti-pris de stylisation géométrique propre à cet art, mais elle correspond aussi tout à fait à un type physique de petite taille, à membres longs et minces, parfaitement préparé à la faire valoir.
Én Crète, dès le Minoen moyen I, de - 2100 à - 1900, les figurines en terre cuite de Petsofa montrent déjà fixés les traits du costume : nudité du torse, complète pour les hommes et partielle pour les femmes, qui rapproche ce costume de celui de plusieurs peuples préhistoriques d'Asie antérieure; principe du point d'appui à la taille, caractéristique du pagne serré attaché à la ceinture. C'est un héritage de la préhistoire qu'il faut voir dans cette habitude du torse nu des Crétois, acquise de leurs ancêtres de l'âge de Pierre et non pas de la Mésopotamie où elle a la même origine.
Mais c'est à partir du Minoen moyen III, de - 1750 à - 1580, et sous le Minoen récent I, de - 1580 à - 1450, qu'apparaissent diverses pièces du costume cousu utilisant de riches étoffes : robes aux formes et garnitures variées, tablier, corset, jupe-culotte, chapeaux de plusieurs modèles ; cette période est, pour l'habillement, la plus curieuse et la plus luxueuse.
 
 
Le Costume masculin

Le pagne, commun à tous les peuples de la Méditerranée orientale, est d'usage général, se substituant le plus souvent au simple cache-sexe attaché à la ceinture, ou combiné avec lui.

Le schenti des Égyptiens était un pagne simple; celui des Crétois, porté par les travailleurs et les guerriers aussi bien que par lek princes et les hauts dignitaires, varie sa coupe selon la matière employée, toile souple (probablement lin), étoffe plus raide (laine épaisse) ou même cuir. Disposé souvent en forme de jupe courte ou encore comme un double tablier, il se termine généralement par derrière en une pointe parfois allongée et recourbée comme une queue d'animal. Par exception, deux pagnes superposés forment volants et descendent
à mi-cuisses par une double pointe en avant et en arrière. Ce pagne, porté ainsi à la crétoise dans les Cyclades, est fermé et converti en caleçon ou culotte courte sur le continent, quand la coupe et la couture perfectionnent le principe de la pièce d'étoffe passée entre les jambes et assujettie à la ceinture devant et derrière. Sur un criophore du Musée de Berlin datant de la fin de la période dédalique (vers - 8oo), est figuré un caleçon avec devant triangulaire dégageant le haut des cuisses.

Des objets font voir un caleçon collant qui serait, a-t-on dit, porté soit par des étrangers, soit par des démons que l'on voulait représenter sous un aspect étrange : mais ne serait-ce pas seulement le même mode de figuration à plat employé par les artistes égyptiens ? Les Crétois peints sur les tombes égyptiennes du XVe siècle montrent sur leur pagne bariolé une bande raidie par les ganses et broderies et descendant obliquement jusqu'au niveau des genoux.

Pagne et caleçon étaient fixés à la taille par une ceinture très fortement serrée, probablement de tissu plus ou moins décoré de métal : celle du porteur de vase semble composée d'un bourrelet à bords métalliques ; d'autres, vraisemblablement de grand prix, sont décorées de rosaces et de spirales figurées en blanc et jaune, en réalité faites d'or et d'argent, ou encore de plaques de cuivre ; sur un bronze, une large bande d'étoffe pelucheuse est enroulée deux fois autour de la taille ; en Égypte, une ceinture de kefti est faite de deux longs rubans raides à grandes coques sur les hanches.

Le torse de certains personnages est protégé par une sorte de casaque présentant parfois des imbrications analogues à des lamelles métalliques de cuirasse : cette casaque, souvent assez ample pour couvrir les bras, n'apparaît jamais que dans les scènes religieuses et semble être une sorte de chape rituelle.

Offrant le même caractère de vêtement de cérémonie, la robe longue, d'une seule pièce, de couleur vive et à riches broderies, n'a été portée que par les princes, les hauts dignitaires, les prêtres : elle revêt les personnages officiels dans une procession et, sur le sarcophage de Haghia Triada, elle prend la forme d'une tunique descendant du cou au mollet ou à la cheville pour un joueur de flûte et un joueur de lyre, exactement comme pour les femmes qui prennent part au sacrifice ou le mort à qui sont offerts les hommages funèbres.

Pour répondre aux intempéries, un vêtement long s'ajoutait au pagne. Les Crétois et les Égéens se sont couverts du manteau en peaux de bêtes et de la diphtéra à laine épaisse. Les conducteurs de char s'enveloppaient d'un long manteau semblable à celui des auriges de la Grèce future. Sur une figurine de Petsofa se voit une espèce de mantelet qu'on a plus ou moins rapproché d'un plaid écossais et qui rappelle certains vêtements de l'Asie antérieure.

Tête nue la plupart du temps et les cheveux longs, peut-être nattés, les Crétois avaient cependant plusieurs sortes de couvre-chefs, turban ou bonnet le plus souvent, apparemment en peau, et rappelant certain chapeau féminin de Petsofa ou plutôt encore le pétase grec ; leur coiffure étagée est caractéristique du VIIe siècle.

Sur les statuettes de Petsofa, ces chaussures sont figurées en blanc; elles étaient donc faites d'un cuir blanc ou chamois clair, pareil à celui dans lequel les Crétois d'aujourd'hui taillent encore leurs bottes; les mêmes sont rouges comme du cuir de Russie sur une fresque d'Orchomène, avec des lanières faisant sept fois le tour de la jambe.

Si les pêcheurs et certains pugilistes étaient pieds nus, les grands personnages de la cour ne se montraient jamais en public qu'en souliers ou en sandales. Ces dernières étaient finement travaillées et attachées jusqu'au dessus des chevilles par de larges lanières, parfois - suprême luxe - ornées de perles.

Quant à la bottine haute et fermée, son emploi en Crète s'explique par la nature accidentée du pays et il rejoint par là l'usage d'une chaussure analogue utilisée par les populations montagnardes d'Asie antérieure et transmise par elles aux gens des autres régions. Ce type de soulier à pointe relevée se rencontre dans les fresques de l'époque préhellénique figurant des jeux et des cérémonies à la cour royale.
 
Le Costume féminin

Avant le XVIIIe siècle (Minoen moyen III, de - 1750 à- 1580), la femme crétoise semble s'être habillée du pagne commun aux deux sexes, mais sans doute en le disposant plus souvent que l'homme en forme de jupon ; la jupe même n'est que l'allongement de ce pagne, mais n'a probablement dû se distinguer du jupon primitif qu'à l'apparition du tissage.

Un grand poignard fixé à la ceinture se voit dans les figures féminines de terre cuite de Petsofa (Minoen moyen I, de - 2100 à - 1900) ; rapprochement à faire : au Danemark, les femmes de l'âge du Bronze engageaient toujours un poignard et un peigne dans la ceinture de leur pagne.

Vers le début du XVIIIe siècle, le costume habituel féminin comporte une jupe plus ou moins ornée, un corsage dont la forme varie, une ceinture, auxquels s'ajoutent un vêtement de dessus, manteau long ou pèlerine courte, et un couvre-chef. Selon une loi bien connue, de caractère presque biologique, ces diverses pièces ont évolué en ajoutant des éléments (plissés, volants) ou des détails (broderies, décors bariolés), à l'opposé du costume de l'Asie antérieure enroulé autour du corps.

Én Crète, la jupe est traitée comme une pièce à part du vêtement féminin, prenant appui à la taille et descendant jusqu'à terre; elle est toujours serrée à la ceinture et collante aux hanches, mais elle présente des formes très diverses. Le plus ancien modèle, représenté déjà sur les sceaux du Minoen ancien III (de -2400 à - 21oo) et mieux encore sur une figurine de Petsofa (vers - 2000), est de forme cloche, en tissu à larges rayures; par la suite, elle se rétrécit. Son ampleur est soutenue par des cerceaux horizontaux qui contribuent à la raidir. On a même avancé que, plus tard, « ces bandes brodées de la jupe forment un cône tellement large et raide qu'il faut se les figurer distendues par des cannes de jonc ou des lamelles métalliques, de véritables baleines de crinolines. » Mais, s'il y a eu garniture cousue à la robe, rien encore n'a apporté la preuve d'un soutien indépendant, comme la crinoline du XIXe siècle en Éurope. Des figurines de Palaïcastra prouvent que cette mode de jupe raide a persisté dans les bourgades provinciales jusqu'au Minoen récent (début du XVIe siècle).

Le décor de la jupe est lui-même des plus intéressants. L'étoffe unie peut être coupée en une vingtaine de bandes horizontales, brodées ou non, par des cercles de galons bordés de croisillons, quadrillés ou losanges (VIIe siècle) ; ou bien un galon vertical est placé au milieu de la robe (galon à boutons ?). Le style dit « géométrique » de la Crète marque le décor des robes.

Mais, surtout, on relève l'emploi de volants cousus sur le fond de jupe depuis les hanches jusqu'en bas. Les volants sont de hauteur égale quand il y en a 5 ou 6, ou décroissante quand il y en a 12 ; ils peuvent dessiner un damier brun et beige ou brun et bleu clair. A partir du Minoen récent, la jupe divisée domine, avec ses volants qui laissent visible le fond de jupe et dessinent une pointe par devant; dans le palais de Cnossos, une mode plus sobre garnit seulement la partie inférieure de la jupe avec ces volants en pointe. Une fresque de Haghia Triada a conservé une des figurations les plus curieuses et les plus riches de cette mode : deux rangées de volants à rectangles blancs, rouges et bruns sont posés à l'aide d'un cache-points rouge et blanc sur un tissu à croix blanches rehaussées de rouge alternant avec des croix bleues.

La documentation extrêmement précise trouvée à Cnossos à propos de ces jupes à volants a permis des hypothèses variées. Pour É. Pottier comme pour L. et J. Heuzey, cette disposition viendrait du Kaunakès sumérien, les relations lointaines entretenues entre Sumer et 1'Égée donnant une base très solide à leur argumentation : les longues mèches étagées de cette étoffe auraient inspiré les créateurs crétois du volant diffusé ensuite dans la Méditerranée orientale ; il est intéressant de retrouver ces jupes à trois étages de volants (ou de plis) dans les peintures de Rekhmara, en Syrie, pays de transit entre Sumer et l'Égée.

E n est-il de même pour le tablier arrondi recouvrant le haut de la jupe, sorte de polonaise échancrée sur les hanches? Il semble plutôt dérivé simplement du pagne primitif commun à toutes les populations préhistoriques du paléolithique et du néolithique, qui aurait été conservé par survivance rituelle dans le costume religieux.

Si les élégantes de la cour minoenne ne se montrent pas le torse entièrement nu, comme parfois les déesses et les prêtresses, elles ne voilent rien ou presque de leur poitrine. A la fin du Minoen moyen (- 1580), le corsage, ouvert par devant jusqu'à la taille, remonte sur la nuque en forme de col Médicis. A partir du xviue s., le col disparaît et le décolleté subsiste, le corsage n'étant lacé qu'en dessous des seins. Le costume de gala de la belle époque se complète d'une chemisette transparente : le corsage de la « Parisienne » est retenu par un ruban passant sous les bras et orné à la nuque d'un grand noeud tombant, tandis que le devant transparent est garni d'étroits rubans bleus et rouges ; la « Danseuse » a le buste pris dans un boléro jaune à bordure brodée portée sur une chemisette arrondie au ras du cou. Les avant-bras sont nus, partout et en tous temps; les manches sont courtes, tantôt collantes, tantôt bouffantes, tantôt même à gigot, et donnent l'impression d'être reliées au cou par de légers rubans ou sur le dos par des bretelles croisées.

La minceur de la taille, accentuée par ces formes de vêtements, était encore plus recherchée par les femmes que par les hommes, et marquée chez elles aussi, la plupart du temps, par une ceinture. Les Crétoises du Minoen moyen I l'enroulent deux fois autour de la taille et en laissent retomber les bouts par devant (24) jusqu'au bas de jupe. La forme bouffante de certains costumes primitifs sur le bas des reins a suscité l'hypothèse d'une survivance de la stéatopygie des sculptures féminines de l'âge paléolithique. Cette ceinture à deux rangs et deux pans évoque celle de l'âge de Bronze du Danemark et en Sumer. Un autre modèle, à double bourrelet superposé mais sans pans, est demeuré en vogue très longtemps et on l'a trouvé dans des exemplaires votifs en faïence : on le simplifia en supprimant l'un des bourrelets.

La pièce la plus surprenante est le corset que portent apparemment la « Déesse aux serpents » et les élégantes des fresques de Thyrinthe et de Thèbes, qui sont dépourvues de ceinture. Ce corset, qui permettait à la fois à la jupe de plaquer sur les hanches, à la taille d'acquérir une plus grande finesse et aux seins nus de saillir, devait consister en une armature de lamelles métalliques ; il n'était certainement pas connu des néolithiques, car il suppose l'usage du cuivre au moins et représente donc au XVIIIe siècle une des premières applications de la métallurgie au costume.

Comme les hommes, les femmes mettaient le manteau long pour monter en char ; dans d'autres circonstances, elles posaient sur leurs épaules une mante ou une pèlerine de peau sans manches.

D'après ce que l'on connaît de leur mode de vie, les Crétoises, sans être cloîtrées, restaient plus que leurs maris à leur foyer. Les peintres les ont représentées avec une peau blanche et les hommes avec un teint basané : les Grecs appelèrent d'abord les Crétois Phoinikès, c'est-à-dire Peaux Rouges ! Élles ne se chaussaient donc pas souvent ; cependant elles utilisaient des sandales, des souliers ou des bottines hautes, parfois des chaussures à talon.

La coiffure féminine, presque toujours à demi-couverte par des parures diverses, semble avoir comporté des nattes, mais surtout elle était caractérisée par une ou deux boucles séparées au-dessus de l'oreille et retombant jusqu'à la naissance du cou, qui rappellent la boucle syrienne. Toutes les figures étant dessinées de profil, comme dans l'art égyptien, on présume, sans avoir de certitude, qu'il y avait une mèche de chaque côté. Cette coiffure est assez haute et soutenue par un ruban. Vers le VIIe siècle, la coiffure étagée est caractéristique ; les déesses de Gazi ont les cheveux arrangés en pointe sur le dessus de la tête, retenus par un bandeau piqué de trois fleurs sur le front, qui passe au-dessus des oreilles et sur la nuque. D'autres fois, les cheveux, plats sur le dessus de la tête, retombent de chaque côté. On rencontre aussi un type de coiffure énorme en forme de corne.

Le costume féminin crétois fournit les premiers modèles de chapeaux dans l'histoire de la mode.On trouve en Crète, au commencement du Minoen moyen, les chapeaux les plus variés et les plus bizarres : capote haute, chapeau pointu, sortes de bérets et turbans et même de tricorne, peut-être rituel, ornés de rosaces et surmontés d'un élément frisé, plume ou ruban. Certains chapeaux ont une garniture blanche, d'autres sont noirs. On découvre aussi, non sans surprise, le polos dont se coiffaient les Tanagréennes du temps de Périclès et qui est encore porté au VIIe siècle dans la Crète dédalique ; à cette dernière époque, les femmes sont souvent coiffées aussi d'un haut bonnet qui rappelle le bonnet à mèche des temps primitifs.

Dans son ensemble, le costume féminin crétois marque un goût très prononcé pour les couleurs vives dont l'éclat et la variété mettent en valeur la richesse des motifs : les rouge, jaune, bleu, pourpre formaient des accords ou des oppositions dont les fresques des palais ont conservé les nuances presque intactes. Des applications de feuilles d'or s'y ajoutaient parfois.
Enfin, la célèbre fresque des toréadors montre une jeune femme en caleçon collant tendant les bras pour recevoir un sauteur. Peut-être le costume masculin a-t-il été normalement utilisé par les femmes-gymnastes en Crète, mais c'est là le seul exemple que nous en ayons
 
Le Costume de Guerre
Le casque est usuel sur le continent, au moins pour la guerre en Crète, il est porté - rarement - par les guerriers et chasseurs et quelquefois par les athlètes. Il présente plusieurs types :
    1. cône en lanières tressées, à cercles horizontaux reliés par un treillis, avec une houppe à la pointe ;
    2. carapace de métal divisée par des cercles en zones, conique aussi mais moins haut que le précédent, surmontée d'un gros bouton de métal et assujettie par une large mentonnière couvre joues; les zones de la calotte extérieure sont souvent ornées de défenses de sangliers. Ce type s'observe sur des têtes d'ivoire sculpté provenant de Spata, d'Enkomi et de Mycènes, ainsi que sur des bronzes répandus de la Crète à la Phénicie, de l'Argolide à la Thessalie ;
    3. casque à timbre entièrement en métal, avec cimier à longue crinière, garde joues et couvre-nuque à lames rivetées, dont l'une, en saillie par devant, forme visière. Ce type apparaît à la fin du Minoen II, porté par les officiers et les lanciers ;
    4. calotte basse, collant au crâne, hérissée de pointes (ou de poils de bête ?) ou armet pointu aux deux bouts et aplati au milieu, avec long panache pendant derrière : ces deux modèles, qui sont visibles sur le « vase des guerriers » (Minoen moyen), ont été en usage à la fin de la période mycénienne, vers - 1200 (30).
 
Le Costume Religieux

L'examen du costume religieux a permis de faire de très curieuses observations sur certains détails du costume crétois en général ; les deux types de déesses qui ont toujours coexisté, nue et habillée, sont particulièrement significatifs.

L'idée religieuse est que les effluves magiques du corps divin gardent mieux leur puissance virtuelle quand ils sont protégés contre une continuelle déperdition; le costume des femmes, représentantes de la maternité, féconde et bienfaisante, s'explique par voie de conséquence; les effluves de la déesse devaient produire plus aisément des effets de fécondation quand rien ne s'interposait entre elle et l'être à imprégner « il suffit », d'après Glotz, « pour que toutes les sources de fécondité ne soient pas interceptées, que les indices du sexe ne soient pas tous invisibles... La mode crétoise du corsage laissant les seins nus n'a pas pu s'établir et durer sans correspondre à une idée religieuse ; elle a été créée pour la déesse et ce costume de cérémonie fut d'abord un costume rituel. Dès le Minoen ancien III, la déesse a le buste pris dans une étoffe percée de deux ouvertures par où pointent les seins. Plus tard, elle porte le corsage largement décolleté qui, d'elle, passe aux dames de Cnossos, à moins qu'elle n'ait le buste entièrement nu au-dessus de sa jupe à volants, par un compromis imaginé pour elle seule. »

Il faut noter la curieuse ressemblance de la célèbre déesse aux serpents de Crète avec une image en terre figurant une déesse invoquée contre les serpents chez les Ibisios de la Nigéria du Sud : le buste est nu et des serpents entourent les bras et les seins.

Sur d'autres points du costume crétois, on relève l'influence des rites religieux. Il est certain que le service sacerdotal imposait aux hommes comme aux femmes le port de vêtements spéciaux, robe longue ou jupe-culotte, raide et souvent bouffante, en étoffe mouchetée pour imiter une peau de bête et terminée en pointe par la queue ou par un appendice analogue évocation très nette du vêtement préhistorique, perpétué par la tradition religieuse. Une étole complète la robe. Mais en général, c'est le costume ordinaire, à la mode du temps, qui habille les assistants des cérémonies religieuses ; parfois on trouve une coiffure spéciale, tiare, toque ou chapeau rond et plat ; une déesse du vile est aussi coiffée du polos.

La signification religieuse de la robe longue d'une pièce, pour les femmes comme pour les hommes, ressort du fait qu'elle n'était portée que dans certaines cérémonies : elle est particulièrement figurée sur le sarcophage de Haghia Triada, où des femmes ainsi vêtues accomplissent des actes rituels, et sur une intaille où la déesse assise entre des lions est tout entière enveloppée dans une chape couvrant ses bras.