L'influence mycénienne
ne fit qu'effleurer la partie centrale de la côte d'Asie Mineure
et n'entama nulle part le continent. C'est plus tard, au temps des
migrations provoquées par l'invasion dorienne que les colonies
ioniennes formèrent peu à peu un groupe puissant, au
point que les Assyriens et les Palestiniens appelaient tous les Grecs
du nom générique de Ioniens.
Dans ces colonies, les éléments émigrants,
achéens et ioniens, furent certainement peu nombreux, du xile
au ixe s., parmi les artisans; l'élite sociale fut presque
toute grecque et domina les cités où elle s'établit,
composée de nobles et de marchands entre autres, qui, n'étant
pas des conquérants, développèrent l'essor commercial
et l'expansion maritime.
Le costume
des populations côtières de la Mer Noire à l'Oronte
semble, à l'origine, avoir été d'inspiration sumérienne
et son évolution suivit vraisemblablement celle de l'habillement
des régions mésopotamiennes avec influence des races
montagnardes, en l'occurence des Hittites.
Ainsi, entre - 1700 et -
1300, Troie et son cercle de peuples alliés de Phrygie et
de Carie, tout en portant les modes grecques, en adoptèrent
qui étaient plus spécifiquement venues des plaines
de Mésopotamie ou - comme les manches longues - des pays de
pasteurs. A partir du XIIe siècle, le costume achéen
subit l'influence croissante de l'Orient grâce aux rapports
commerciaux intenses qui suivaient la route de Babylone à Ephèse
en passant par Sardes.
Le mélange des moeurs
grecques et orientales y était facilité par la plus
grande liberté des femmes d'Asie qui partageaient la vie des
hommes et prenaient leurs repas avec eux, habitude qui ne fut pas
sans répercussion sur l'habillement, avec une dominante asiatique.
Dans les grandes villes des côtes, les femmes des classes élevées
revêtaient de somptueux tissus roses transparents, les marchands
des tuniques de pourpre à broderies d'or : tout ce luxe était
facilité par l'élevage des célèbres moutons
de Milet et la création de tissages où l'on travaillait
la laine, le chanvre et les étoffes de pourpre. C'est d'Ionie
que les Grecs importèrent l'habitude de plisser les étoffes
de lin comme le faisaient d'autres peuples d'Asie.
Les hommes étaient
habillés de la tunique courte, vêtement de dessous en
lin, fermé sur le côté par une couture, donc
sans fibule ; transmise par les Phéniciens aux Cariens, elle
connut une large diffusion en Asie Mineure ; c'est le khiton des
Grecs et il ne faut pas oublier que le mot khiton est d'origine sémitique,
apparenté à l'araméen « kitoneh » qui
désigne une étoffe de lin. Cette tunique pouvait être
longue dans les occasions de fête : Homère parle des
Ioniens « traînant leurs tuniques ».
Les femmes
d'Ionie portaient cette grande tunique de lin avec un châle utilisé en
manteau qui s'agrafait soit à gauche, soit à droite.
Chypre constitua de tous
temps le grand relais des influences asiatiques et peut-être égyptiennes
vers Egée et inversement. Ras-Shamra a été l'avant-poste
de Chypre sur la côte syrienne.
Pendant le IIIe millénaire,
l'habillement des populations des côtes se rattache au costume
de Sumer, le grand châle archaïque à franges, enroulé ou
drapé : japon ou pagne court, robe courte ou longue couvrant
l'épaule gauche et garnie probablement sur ses deux grands
côtés d'un bourrelet hémisphérique fort épais,
fait peut-être de fourrure et supposé d'origine mitanienne.
Traditionnellement, on se servait aussi, en dehors du jupon, d'une écharpe
distincte, sorte de pèlerine croisée sur la poitrine.
En Palestine, l'usage de
ce costume s'est maintenu jusqu'au Ier millénaire et le manteau
des Israélites n'est autre que ce châle ancien. Ne faut-il
pas voir dans la permanence de cette tradition vestimentaire un des
traits spécifiques de la race sémite en même
temps que l'effet des longues tribulations du peuple d'Israël
qui, tributaire ou prisonnier au cours de ses migrations et de ses
persécutions, n'eut pas la possibilité de s'enrichir
et de porter des vêtements de luxe comme d'autres peuples de
l'Asie antérieure ? La somptuosité du costume n'apparut
chez les Juifs qu'aux derniers siècles de la monarchie, pendant
la domination égyptienne ; les princes égyptiens de
Palestine ont porté quelquefois le vêtement pharaonique.
En Syrie et en Phénicie
surtout, ce costume s'est caractérisé alors par une
bigarrure accentuée de couleurs, bleues et rouges, employées
soit dans de discrets galons, soit en panneaux alternés et égayés
d'un semis de fleurettes et de rosaces.
Au IIe millénaire,
le jupon-pagne est en général, pour les hommes, agrémenté de
franges, de houppes et de bandes décorées en relief,
dans l'esprit du costume égéen de cette époque;
il est aussi, sous l'influence du type égyptien, croisé et
relevé sur le devant avec une pointe médiane qui est
supposée faire partie d'un vêtement à part, peut-être
un cache-sexe.
C'est ce
pagne simple, descendant jusqu'aux genoux, drapé en ceinture
aux hanches, qui est porté par les émigrants asiatiques
sur les peintures de Beni-Hassan (XIe siècle dynastie, - 1700 à -
I6oo) ; tandis que celui des Egyptiens est de léger tissu blanc,
le pagne asiatique est teint et orné de broderies multicolores
: rouge, blanc brodé de bleu et de rouge, ou blanc et rouge.
Il figure sur les statuettes d'argent de RasShamra.
La robe laisse à nu
la plus grande partie des bras, soit courte en tissu épais
et garnie de franges, à l'imitation du châleécharpe
sumérien, soit longue et d'étoffe fine et plissée, à la
mode égyptienne : ainsi la longue robe à très
larges manches figurée sur le sarcophage d'Ahiram, roi de
Byblos, vêtu à l'égyptienne comme d'autres personnages.
La coiffure masculine comporte
le turban à bourrelets, analogue à celui des rois de
Mésopotamie des derniers siècles du Ille millénaire,
ainsi que le bonnet bas, en calotte arrondie, ou le turban léger
de Sumer.
Quant au vêtement
féminin, aux I1e et IIIe millénaires, il reste la robe-tunique
longue dont l'ampleur est figurée en sculpture, par des stries
verticales, faite d'un tissu rayé ou plissé finement à l'égyptienne;
la coiffure consiste en une tiare cylindrique élevée,
recouverte par derrière d'un ample voile très enveloppant
dont l'usage est réservé aux femmes mariées.
Toutefois, sur des peintures
de tombes de Rekhmara, se voient de curieuses jupes ballonnées
avec un double étranglement qui les divise en trois étages
superposés et rappelle la ligne de certaines toilettes crétoises.
D'autres exemples de jupes « égéo-syriennes » sont
figurés sur des bas-reliefs du Musée de Leyde et sur
des peintures d'El-Amarna. Diverses explications ont été avancées à leur
sujet : déformation et figuration grossière de la jupe
sumérienne Kaunakès ? mauvais poncif répété mécaniquement
? tuniques plusieurs fois remontées par des ceintures étagées
? robes à volants ? Cette dernière hypothèse
semble la plus probable et le port de telles robes s'expliquerait
en Syrie vers - 1400 à - 1200 par des relations régulières
avec la Crète. On sait que les Crétois, en se fixant
en Syrie, y gardaient les modes égéennes et les faisaient
connaître. Sur une tombe égyptienne du xve s., une princesse
syrienne est représentée avec le corsage à manches
courtes et la jupe à volants de Crète. Or le XVe sièclecorrespond à l'apogée
de l'expansion de la civilisation crétoise qui s'était,
depuis le XVIe siècle, développée non seulement
dans les Cyclades mais vers Chypre et les côtes d'Asie, et
les modes égéennes furent en particulier adoptées
par les grandes dames phéniciennes, habillées comme
les élégantes de Cnossos.
Une tunique à tissu
rétractile, qui se voit sur une cuiller à fard où figure
une étrangère (?) avec résille et lourde ceinture
historiée (Musée du Louvre), présente les caractéristiques
du tissage babylonien. Des étoffes de cette technique auraient été introduites
en Egypte, particulièrement à la suite des campagnes
victorieuses de Thoutmosis en Syrie jusqu'à l'Euphrate.
Au Ier millénaire,
le costume féminin correspond, comme celui des hommes, à deux
types opposés : d'une part, le vêtement drapé de
Sumer, complété d'un voile posé directement
sur les cheveux ; d'autre part, le vêtement confectionné qui
se caractérise surtout par le port d'un mantelet (ou tunique)
court, ouvert de haut en bas.
Sur la tête, la couronne en bourrelets rehaussés de perles est révélatrice
de l'art cypriote, représenté aussi dans les parures par le collier à plusieurs
rangs accolés (couvre-oreilles ou collier de chien).
Quand, durant le Ier millénaire,
aux vine et vite siècles, l'Assyrie étendit sa domination
de la Cilicie à la HauteEgypte, la Syrie, la Phénicie
et la Palestine lui empruntèrent, à l'usage de leurs
classes riches, certaines caractéristiques de costume : la
tunique ample, ouverte sur le devant, aux deux bords rapprochés à hauteur
de la taille par un lourd bijou, vêtement du type confectionné dont
les fresques, montrent qu'il était de tissu bleu et rouge
ou noir sur fond blanc. Cette tunique ne saurait, à notre
avis, être dénommée caftan comme le vêtement
endossé de mode assyrienne de cette période : elle
doit être distinguée du caftan non seulement parce qu'elle
n'est pas endossée, mais aussi du fait que ce dernier, issu
des steppes d'Asie Centrale, n'a commencé à être
diffusé que plus tard, par les migrations des Scythes et des
Sarmates.
D'Assyrie vient aussi la
longue et fine robe qui rappelle à la fois la tunique persane
et la calasiris égyptienne : « son ampleur, ramenée
au corps par la pression d'une étroite ceinture, se brisait
en plis multiples ramassés et relevés principalement
sur le devant du corps. »
Comme coiffure,
en Phénicie, un bonnet cylindrique, parfois légèrement évasé et
plus bas par devant que par derrière, évoquait « à la
fois la tiare achéménide et la couronne basse de Pschent
décapitée de son prolongement postérieur ».