A partir du XIIe siècle, certaines variétés de costumes apparaissent, les unes issues de modes de fantaisie, d'autres imposées par des règlements qui correspondent à des besoins sociaux nouveaux. Si, à l'origine, les jongleurs avaient des costumes simples et unis, à partir du XIIe siècle, ils se firent remarquer par l'étrangeté de leur accoutrement et des étoffes aux tons éclatants. On en cite qui revêtaient des robes de soie rouge et des manteaux rouges avec capuce jaune ou des costumes mi-partis, de deux couleurs dans le sens de la longueur. On les imita et les prédicateurs condamnèrent la frivolité de leur tenue. Au XIIIe siècle, dans plusieurs pays d'Europe occidentale, des prescriptions commencèrent à imposer ou interdire certains costumes et certains accessoires à des catégories de personnes telles que les Juifs, les Sarrazins et les gens condamnés pour délits touchant à la religion. On connaît les dispositions du quatrième Concile général de Latran obligeant les premiers à porter un signe spécial, la roue ou rouelle de couleur jaune ou verte et le chapeau pointu ; d'autres formes variées sont mentionnées par des textes en Allemagne et à Strasbourg. Les Sarrazins et les Maures furent soumis à des obligations analogues. Les hérétiques, les Vaudois, les condamnés pour pratique de sorcellerie étaient astreints au port d'insignes divers ou à certaines coupes de cheveux. Les prescriptions furent le plus souvent édictées par les autorités religieuses mais aussi par l'autorité royale, comme au Portugal et en France, ou par les polices locales. On a rarement souligné que les Arabes prirent des mesures analogues : en 1300 (70o de l'Hégire), ils imposèrent le port de turbans blancs aux chrétiens, jaunes aux juifs, rouges aux Samaritains. Quand se termine, au milieu du XIXIIIe sièclee siècle, cette période de deux siècles et demi d'histoire du costume, on constate que, si son évolution a profité d'un renouveau de l'économie maritime et du développement de l'organisation urbaine, elle a bénéficié aussi du rôle majeur de la civilisation française en Europe. La culture française lui a en effet apporté une contribution capitale par sa suprématie et sa diffusion : c'est la première Croisade qui a fait du français une langue internationale, étendue ensuite du plan religieux au plan commercial par les foires de Champagne dans l'Europe entière. Les sentiments retrouvés de courtoisie, d'esprit chevaleresque, d'idéalisation de l'amour et de la femme ont laissé leurs traces dans cette adaptation de l'habillement à une conception nouvelle de la vie. Cette recherche conjuguée de culture intellectuelle et d'élégance physique ne peut être isolée de l'introduction dans l'art du XIIIe siècle d'un goût croissant pour le réalisme et la vie : cet éveil de tendances nouvelles est déjà notable si l'on compare la statue de la Reine de Saba (cathédrale de Reims, vers 1250) et celle, un peu postérieure, d'une des Vierges folles sur la façade occidentale de Strasbourg, représentée en surcot déceint, avec des gestes affectés et une ligne déhanchée. En ce début du XVe siècle, le costume d'Europe apparaît encore, mais moins qu'auparavant, le fait du seigneur : après la lente disparition des puissants monarques d'empires et de leurs cours, il tend à s'organiser autour des grandes administrations royales ou princières des nations en voie de formation. Dans cette reconstitution des pouvoirs politiques et religieux qui accompagne la réorganisation économique de l'Europe et son réveil artistique et moral, il a acquis un caractère nouveau : celui d'unité et même d'universalité, dont l'on ne sait encore s'il va se maintenir longtemps comme le seul lien visible dans un monde qui se transforme. |