La cour de Bourgogne dépassa toutes les autres par la somptuosité du costume : richesse des tissus, variété des broderies, renouvellement incessant des habits, chez les hommes plus encore que chez les femmes.

Le mariage de Philippe le Hardi avec Marguerite de Flandre, fille et héritière du puissant comte Louis de Mâle, ajouta à l'important patrimoine du duc les énormes ressources du comté le plus riche et le plus vaste de toute la chrétienté avec ses villes d'Ypres, Bruges et Gand toujours prospères, ses industries florissantes du drap et de la soie, sa Bourse et sa foire d'Anvers devenue une place de commerce internationale. Entre les Flandres et les Pays-Bas d'un côté et la Bourgogne de l'autre, les échanges se développaient grâce à un système financier perfectionné, dans une structure économique incomparablement plus puissante que celle du royaume de France.

Dans leur ambition d'égaler les rois qui les entouraient, les ducs disposaient des revenus considérables de la couronne pour leur luxe personnel, en particulier pour leur habillement. Leur recherche touchait à l'obsession. Philippe le Hardi avait un besoin irrésistible de parure ; en 1389, par exemple, pour l'entrée à Paris de la reine Isabeau, il revêtit successivement quatre robes de velours décorées de fleurs en or et de pierres précieuses, une jaquette rouge écarlate avec quarante agneaux et cygnes en perles, une robe verte aux manches brodées d'aubépines et de moutons en perles ; Jean sans Peur se fournissait surtout chez les marchands italiens de Lucques d'étoffes de «baudequins» à fils d'or.

lLeurs livres de compte renseignent non seulement sur leurs habits mais sur ceux de leur famille et de leur maison, ainsi que sur leurs fournisseurs : on connaît les livrées des pages, des écuyers et des dames d'honneur, comprenant des manteaux, des capuchons, des chaperons de drap de Malines souvent doublés de fourrures, décorés de fleurs et d'emblèmes. Boutons, pompons, panaches de plumes d'autruche ornaient les bonnets; et chapeaux d'été en paille, avec rubans et parures, provenaient de l'Italie du Nord, tandis que les chaperons d'hiver, en feutre ou en velours se fabriquaient en Allemagne, à Ratisbonne.

Coûteuse folie que le chapeau de soie commandé en 1420 par Philippe le Bon, qui était surmonté de plumes rares, de fleurs et de paillettes en or ! Dans le butin fait par les Suisses à Grandson, on retrouvera un chapeau de Charles le Téméraire, en velours jaune, garni d'un cercle d'or avec rubis, perles et saphirs.

Philippe le Bon se distingua de ses prédécesseurs et de sa cour par des vêtements dans les tons violet, bleu foncé ou noir, où ressortait l'éclat de ses bijoux. Charles le Téméraire apporta un renouveau de luxe à l'habillement, soit lors de son mariage avec Marguerite d'York magnifiquement vêtue d'une robe damassée d'or, soit à l'occasion de sa rencontre à Trèves avec l'empereur Frédéric III, rencontre dont l'échec fut peut-être dû aux rivalités d'élégance entre les deux chefs d'état et entre leurs partisans, les Bourguignons tournant en dérision leurs lourdauds adversaires germaniques.

Ce goût de la richesse, cet emploi de draps et de soieries de luxe, souvent étrangers, ces coiffures démesurées marquent en Bourgogne une tendance plus accentuée qu'en France pour une silhouette de ligne brisée et dissymétrique, soumise déjà à un esprit baroque en puissance. Par la diversité de ses provinces comme par la diplomatie complexe de ses ducs, la Bourgogne subit dans son habillement des influences très variées : du Portugal, Isabelle, troisième femme de Philippe le Bon, apporta des modes inconnues, tandis que l'Italie, l'Espagne et l'Allemagne envoyaient l'une ses tissus rares, l'autre ses lingeries plissées, la troisième ses chapeaux à forme haute et ses robes déchiquetées, dont le mariage de Jean sans Peur avec Marguerite de Bavière en 1404 peut expliquer la vogue.

La largeur de la carrure du pourpoint, qui s'accentuera au XVIe siècle en Italie, en Espagne, puis en France, vient-elle des maheutres (bourrelets d'emmanchures) apparues à la cour de Bourgogne vers 1450 ? Dans leur ensemble, les modes bourguignonnes ont absorbé des éléments extérieurs pour recréer un costume d'un particularisme sans pareil.

L'influence d'un faste vestimentaire dont la Maison d'Autriche allait bientôt hériter donna à la cour un éclat inégalé, si bien que le costume fut, en Bourgogne, un véritable allié politique des Ducs.