Durant les années 20 et 30, la mode européenne comble le fossé entre la mode couture et la mode populaire et impose ce modèle au monde entier. La guerre stoppe momentanément ce mouvement irrésistible dû à l'apparition des premières fibres synthétiques, à la diffusion de la mode par la presse spécialisée et le cinéma, et surtout aux congés payés de 1936. Les restric­tions poussent les femmes à récupérer des tissus anciens, souvent imprimés de façon artisanale. Elles coupent leurs jupes autour du genou pour des raisons d'économie et de pratique, mais bientôt elles compensent ces restrictions en leur donnant le maximum d'ampleur. Les bas sont remplacés par de la teinture au brou de noix et on en dessine même la couture. Ces jambes sont perchées sur des chaussures à hautes semelles compensées en bois ou en liège. Le pantalon et la jupe-culotte s'imposent de plus en plus pour aller au travail comme pour monter à vélo et le sac à main devenu sacoche se porte en bandoulière. En Angleterre surtout, le tailleur de type masculin ainsi que le port du pull-over se généralise ; les épaules sont renforcées par des épaulettes. Il en est de même en France où les tailleurs s'inspirent des uniformes militaires. La guerre voit également le développement des chapeaux qui souvent sont un peu ridicules et, au contraire, l'habitude de sortir la tête nue.

La haute couture, privée de ses matières premières, tente de résister aux occupants désirant la transférer en Allemagne grâce à Lucien Lelong, président de la chambre syndicale, qui parvient à la maintenir à Paris. Madame Grès recommence en 1941 une carrière entreprise dans les années 30 sous le nom d'Alix et fait aussitôt reconnaître ses talents de sculpteur par ses drapés de fins jersey de soie. Jacques Griffe ouvre sa maison la même année, après avoir travaillé chez Madeleine Vionnet. Jacques Fath ouvre la sienne en 1944. Il est suivi l' année suivante par Pierre Balmain et Carmen de Tomaso qui ouvre Carven. Molyneux rouvre aussi son atelier parisien entre 1945 et 1950 pour tenter de lancer un style sportif. Marcel Rochas, dont la maison date de 1931, annonce déjà les styles de l'après-guerre avec ses jupes rallongées dès 1941, ses bustiers en 1943, ses guêpières et sa ligne «sonnette» en 1947. La haute couture ne reprend réellement son essor qu'en 1945 grâce au Théâtre de la Mode organisé par Lelong au pavillon de Marsan. Les futures clientes peuvent ainsi voir les nombreux modèles proposés sans débauche excessive de tissus puisque les mannequins sont des poupées à demi-grandeur humaine qui, voyageant ensuite dans toute l’Europe, ramèneront à Paris la clientèle internationale. On y voit les modèles de Fath, Balenciaga, Givenchy, Balmain, Lelong. La haute couture est de nouveau prospère en 1950 ; de nombreuses maisons peuvent de nouveau ouvrir ou recom­mencer une carrière nouvelle, mais de grands créateurs dispa­raissent. Jean Patou meurt en 1936 ; il est remplacé par son beau-frère Jean Barbas qui engage, de 1942 à 1963, des modélistes comme Rosine Delamarre, Marc Bohan, Gérard Pipart et Karl Lagerfeld. Jeanne Lanvin disparaît en 1946, mais sa maison survit grâce au talent d'Antonio del Castillo en 1950. Lucien Lelong se retire en 1948, non sans avoir formé Dior, Balmain et Givenchy. Elsa Schiaparelli part aux U.S.A. et ne garde sa maison pari­sienne que jusqu'en 1954. Robert Piguet ferme en 1951, Marcelle Chaumont, disciple et collaboratrice de Madeleine Vionnet, en 1953, Dessès en 1963. Jacques Fath, le roi des drapés «sur le vif», meurt aussi en 1954.

Le lendemain de la guerre marque le retour au rêve. Celui-ci se concrétise à travers la première collection de Christian Dior au printemps 1947. Cette ligne suprêmement féminine se caractérise par une jupe allongée d'une vingtaine de centimètres, par une taille très marquée, soulignée par un rembourrage aux hanches, un corsage à basques aux épaules arrondies. Les critiques se moquent mais les femmes copient le style Dior qui res­tera une source d'inspiration durant toutes les années 50 avec ses tailleurs cintrés aux poches décollées, ses manteaux ajustés à la taille ou au contraire vagues et amples, ses gants à manchettes et ses petits sacs en daim ou en peau. Les épaules carrées, les coiffures volumineuses et les chaussures compensées disparaissent donc au profit des guêpières qui resserrent le buste et relèvent la poitrine, des jupons de tulle raide et des talons aiguilles qui marty­risent les parquets des années 50 et 60. En 1954, Chanel rouvre sa maison fermée depuis 1939 et lance un petit tailleur aux lignes droites pour les femmes actives qui donnera deux ans plus tard son célèbre tailleur en tweed. La même année, Dior lance la ligne A, à la taille un peu descendue. En 1955, il la remplace par la ligne y aux épaules larges et à la jupe étroite. En 1957, Dior meurt et Saint-Laurent lui succède et adopte la ligne trapèze, tandis que Guy Laroche revient à des tuniques perlées style 1925. Bien d'autres jeunes créateurs, comme Jacques Fath, Pierre Balmain, Hubert de Givenchy ou Pierre Cardin, contribuent aussi à cette relance de l'élégance car leurs modèles sont aussitôt copiés par les couturières de quartier. Les taffetas, les ottomans, les gros satins, les velours et les tissus brodés inspirés de l'époque Louis XV sont à la mode et cohabitent avec les nouvelles matières synthétiques. Le nylon créé aux U.S.A. en 1937 est lancé à la Libération, les Rhovyl, Tergal, Crylor et Rilsan apparus dans les années 50 conquièrent les ménagères pour leur facilité d'entretien et de repassage.

Dans la mode de tous les jours, et malgré les hésitations de la haute couture, la jupe descend inexorablement pour fina­lement aboutir à la mini-jupe des années 60. Malgré la société de consommation qui se développe, les femmes n'ont plus les moyens de changer de toilettes aussi souvent qu'à la Belle Epoque et se contentent de renouveler leur garde-robe que deux fois par an. Même la haute couture supprime ses collections de demi-saisons et les collections été-hiver présentent moins de modèles. De plus, la forte natalité de l'après-guerre a généré une nombreuse jeu­nesse qui, à l'image de l'Amérique, veut vivre libre, faire du sport, conduire une voiture. En conséquence, l'apparition du prêt ­à-porter est une véritable révolution qui exprime un mode de vie et non plus seulement un choix purement esthétique. Le pantalon devient un élément indispensable de la garde-robe féminine ; il se porte autant pour le travail et le loisir que pour sortir et même en tenue de soirée s'il est d'étoffe précieuse. Il s'avère surtout beaucoup plus pratique que la jupe pour conduire cette deuxième maison que devient l'automobile. Beaucoup moins couvrant, le bikini, maillot de bain deux-pièces ultra-court apparu aux U.S.A. pendant la guerre, devient l'accessoire incontournable des jeunes femmes sur la plage, signe que la femme sait encore conserver sa féminité en tout en portant le pantalon.