Si Poiret libère la femme et accomplit la première révolu­tion de la mode moderne, ses imitateurs n'ont pas son talent et leurs créations aboutissent parfois à des excès comme les robes tellement étroites sur le bas qu'elles imposent le port de jarretières reliant les jambes pour les entraver. La guerre met fin à ces contraintes et impose le port de vêtements plus simples et plus pratiques, mais aussi beaucoup plus neutres du point de vue de la couleur. La jupe longue ne convient plus, elle montre la che­ville et bientôt le mollet, ce qui fait dire aux caricaturistes. "La guerre est longue, mais les jupes sont courtes !". Le tricotage se généralise pour confectionner les vêtements des soldats et ne tarde pas à pénétrer le domaine civil pour habiller les femmes et les enfants. La lingerie se simplifie nettement pour s'adapter aux vêtements ajustés ; après avoir perdu ses fanfreluches, la chemise intime disparaît pour faire place à la combinaison portée par ­dessus un pantalon à ceinture élastique. Le jersey artificiel indé­maillable se répand pour les sous-vêtements.

Après la guerre, la mode se porte sur la jeunesse et la femme active. Les robes sont conçues pour le sport, la danse et le travail. Les conditions économiques favorables permettent l'apparition de "nouveaux riches", qui tentent de restaurer la robe longue, mais le grand public impose la nouvelle forme, tuyau étroit ou large selon les goûts, qui reste courte. En 1922, paraît le roman "La garçonne" de Victor Marguerite ; il fait scandale en créant une héroïne émancipée, qui travaille, s'habille comme un homme en effaçant tous les attraits de ses formes naturelles. Les "garçonnes" de l'époque ne rehaussent plus leur poitrine, n'affinent plus leur taille, mais s'enveloppent le torse d'une bande Velpeau pour lui donner l'aspect d'un tube qui se termine par une ceinture placée au plus bas sur les hanches. Les cheveux sont coupés court en forme de casque pour supporter un chapeau­ cloche, enfoncé jusqu'aux yeux, d'où émerge parfois une "guiche" de cheveu. Ces femmes pratiquent le sport comme les hommes et portent le costume-tailleur de coupe stricte avec un chemisier et parfois une cravate. Jusqu'en 1925, on appelle ce style la mode "school boy". La mode "school girl" suit ensuite lorsque les jupes raccourcissent. Pour la première fois, en 1925, la mode découvre le genou et trois ans plus tard, les robes du soir feront de même. Les bas, opaques et noirs jusqu’en 1914, sont en soie couleur chair. Outre la gaine élastique, le soutien-gorge apparaît en 1925 pour remplacer la brassière cache-corset.

La mode change vers 1928. «La garçonne mariée est deve­nue mère de famille et accepte le rallongement des jupes». La grande innovation est la robe à danser ; les salles de danse et les bars vibrent au son des premiers orchestres de jazz et tout le monde danse le tango, le charleston, apparus pendant la guerre, et le fox-trot. Pour pratiquer ces danses on porte, soit une robe droite, fendue sur le côté avec un corsage souple, un décolleté carré ou en bateau et une grande écharpe, soit une robe à jupe évasée et un corsage ajusté et généralement sans manches. Les danseurs étant serrés l'un contre l'autre, seul le dos est exposé au regard ; le décolleté le plus profond se place alors dans le dos des robes du soir qui voient leur surface réduite se couvrir de broderies.

Cette mode très libre marque la diminution de l'influence de la mode de Paris. Les Américaines et les Anglaises acceptent plus facilement les audaces vestimentaires que les Françaises. Greta Garbo devient le prototype de la femme moderne. Les grands couturiers d'avant-guerre comme Poiret et Doucet dis­paraissent au profit de jeunes talents, la plupart féminins, comme Jeanne Lafaurie, Madeleine de Rauch, Maggy Rouff ou Elsa Schiaparelli qui se spécialise dans le sportwear, alors que se confirme l'influence de Gabrielle Chanel et que se maintient Jeanne Lanvin et Madeleine Vionnet, la pionnière de la coupe en biais. Quelques couturiers masculins font leurs preuves . Molyneux, un Anglais installé à Paris qui tente de lancer un style sportif, Jean Patou qui simplifie le costume des années 25, Jacques Heim qui commande des motifs à Sonia Delaunay, Lucien Lelong qui formera Christian Dior et Pierre Balmain dans ses ateliers.

Ces maisons de couture prennent l’habitude de présenter deux collections d'environ trois cents modèles pour l'été et l'hiver et deux collections de demi-saison d'une centaine de modèles. La présentation des créations se fait dorénavant sur des manne­quins vivants.

En 1928, le tailleur reste droit, mais la jupe devient plissée ; la taille est remontée à sa place naturelle. Sous la veste souple, on porte un jumper, un tricot légèrement moulant. En 1929, la mode sport marque le costume avec la robe plissée pour le tennis, décolletée en V et à la taille légèrement redescendue ; elle raccourcira dès 1930 pour devenir une jupe-culotte en 1931 et une jupette dès 1933. La robe du soir redescend nettement sous le genou et se taille dans des tissus plus lourds ornés de broderies, de paillettes, de strass ou de perles. En 1930, malgré l'extension de la crise économique, le costume se sophistique et s'allonge jusqu'à la cheville et la fourrure est à la mode. Le costume retrouve une certaine féminité. En 1931, la jupe tombe au bas du mollet pour la ville et sur la cheville pour le soir ; cela devient une règle absolue. La robe s'amplifie dans le bas pour former une cloche à partir des hanches ; les volants se multiplient. En 1932, la tendance au moulé s'accentue avec l'usage du biais grâce à Madeleine Vionnet et à Jeanne Lanvin principalement et Nina Ricci ouvre son salon. L'année suivante, le décolleté dorsal de la robe du soir descend jusqu'à la naissance des fesses comme celui du maillot de bain qui réduit sa surface au nom de la santé et du plaisir de bronzer. Cela est rendu possible par l'apparition d'un nouveau sous-vêtement qui, combinant en une seule pièce la culotte, la gaine et le soutien-gorge, s'adapte parfai­tement à la robe moulante tout en soutenant la poitrine. Les tenues de sport ont tendance à devenir de plus en plus courtes et sont complétées par une sorte de bas-culotte, le collant ; le short fait son apparition sur les bicyclettes. En 1935, la carrure des costumes s'étoffe et l'usage des matières synthétiques se répand pour concurrencer la soierie. En 1937, la mode du pantalon suit celle de la jupe-culotte, au début pour le sport, puis pour le soir sous la forme d'un pyjama dit «chinois» et surtout pour la ville à l'exemple des Américaines.

Le Suisse Robert Piguet ouvre sa maison en 1933 et pro­pose des petites robes toutes simples dans les tissus que lui amè­nent ses clientes. En 1935, Madame Grès ouvre une maison sous le nom d'Alix. En 1937, Jean Oessès ouvre sa maison et se fait connaître par ses drapés inspirés de sa Grèce natale. La même année, Cristobal Balenciaga arrive à Paris à l'âge de quarante ans pour «élever la mode au rang du grand art» et inventer la manche trois-quarts, la robe-tunique et la robe sans taille. A la fin des années 30, les lignes de la mode recommencent à se compliquer et Londres donne le ton avec le couronnement du roi. Georges VI et de la reine Elisabeth ; un souffle romantique fait  rêver quelques temps de mode second Empire avec ses jupes très amples, le corset tente un ultime retour. Mais la guerre stoppe cet élan rétrograde.

 
 
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